Moissonneuses-batteuses
Découvrez les entrailles des New Holland CR11 et CR10
par Loris Coassin04/10/202415 min de lecture
Nous avons pris en main en Angleterre la CR11 et la CR10 dans une orge bien dense, au lendemain d'une pluie.
La rédaction de Matériel Agricole a été conviée en Angleterre pour essayer, dans un champ d’orge, les nouveaux fleurons CR11 et CR10 de New Holland. Pour vous, nous allons comprendre comment le constructeur se passe de caisson autonivelant et pourquoi le moteur est disposé longitudinalement. Nous tenterons aussi de percer les derniers secrets de ces nouvelles moissonneuses-batteuses au travers de schema, de photos de détails et de retours de notre prise en main.
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À l'automne 2023, lors d’Agritechnica, New Holland bousculait le marché des moissonneuses-batteuses de grosse capacité avec l’arrivée de la CR11. Pour son monstre de 775 ch, le constructeur annonçait une cinématique inédite, un caisson double et des mensurations folles. Début 2024, la machine a ensuite été rejointe par la CR10, une version similaire avec une trémie et un moteur plus petits. Cette saison de récolte a été l’occasion pour Matériel Agricole de découvrir l'ensemble des détails techniques de ces deux modèles et de voir leur cinématique à l’œuvre. Comment New Holland a-t-il travaillé leurs organes ?
Afin d'alimenter les organes de battage et de séparation, il faut un flux de matière dense et régulier. Pour y parvenir et gagner en débit de chantier, la tête de récolte doit présenter une belle largeur. Au sein de l'offre de CNH, les barres de coupe classiques sont généralement limitées à 12,50 m, voire, à la suite d'un partenariat avec MacDon, à 13,70 m avec la FD (FlexDraper).
Pour ses CR11 et CR10, New Holland a fait à nouveau appel au constructeur pour qu'il lui fournisse en exclusivité une barre de coupe à tapis aux couleurs de CNH issue de la seconde génération de ses FD. Ainsi, cette fois-ci et pour l’Europe, la FD250, qui équipe la CR11, dépasse les 15,20 m de largeur.Des modèles plus petits existent pour s’associer à la CR10. Une version de 18 m est même en fonctionnement outre-Atlantique et en Australie où le parcellaire et les rendements sont moins contraignants.
Ces barres de coupe à tapis MacDon ont fait forte impression lors des diverses démonstrations. En effet, nul besoin pour le chauffeur d’intervenir sur le réglage de la hauteur de coupe ou sur l’inclinaison. Elles embarquent leur propre centrale hydraulique afin d’entraîner leurs éléments et d’ajuster leurs réglages. Composées de trois parties de 5 m chacune, elles s'adaptent au relief sur toute leur largeur. Le suivi du sol est assuré par des roues de jauge (une à chaque extrémité et une paire de chaque côté du convoyeur), dont le réglage est hydraulique. Souple, la coupe épouse ainsi aisément les terrains en dévers et imparfaits. Lors de notre démonstration, bien que nous ayons récolté très bas, la hauteur des chaumes est restée régulière sur toute la largeur dans une parcelle en pente et bossue. Nous étions également en présence de cailloux. Là encore, cette tête de récolte a montré tous ses atouts. En effet, une « marche » entre le tapis et les sections empêche d'abord les plus petites pierres de monter. La récolte fauchée est ensuite transportée par deux tapis latéraux vers un tapis central qui la dirige vers le convoyeur. Ce tapis central, en léger recul par rapport aux sections qui lui font face, permet aux débris de s’accumuler dans l'espace ainsi créé. Si, malgré ces dispositifs, des corps étrangers parviennent à se frayer un chemin vers le convoyeur, ceux-ci sont recueillis dans un bac à pierres installé sur la moissonneuse, lequel se vidange manuellement ou, en option, hydrauliquement depuis la cabine.
Concernant la qualité du flux de récolte, les tapis font leurs preuves. Ils transportent la récolte en parfaite position, épis en avant, et ce, même lors d’éventuels « trous » ou variations de densité. Une vis sans fin sur la partie supérieure de la barre de coupe facilite le transport des cultures hautes telles que le colza. Avec cet équipement, le chauffeur se concentre uniquement sur le réglage des rabatteurs.
Une fois la récolte dans le convoyeur, voyons un peu en quoi ces CR sont différentes des autres, alors qu’elles utilisent toujours les doubles rotors qui font la réputation de la marque. En premier lieu : se pencher tout à l’arrière, au niveau du moteur. Je ne crois pas si bien dire ! Après avoir gravi l’échelle pour accéder au compartiment, je tombe nez à nez avec un énorme bloc incliné : un FPT Cursor 16 de 15,9 L de cylindrée développant 775 ch pour la CR11 et un FPT Cursor 13 de 12,9 L qui développe 635 ch pour la CR10. Le moteur n’étonne pas seulement par son angle copié sur celui des rotors ou par sa place au centre de la machine pour l’équilibrer, mais aussi par sa position longitudinale. Grâce à cela, l’arbre à la sortie du moteur entraîne directement le rotor gauche, sans renvoi d’angle, de manière à éliminer toute perte de puissance. Moteur et rotor sont tout de même séparés par une transmission CVT reprenant le fonctionnement de celles qui sont installées sur les Case IH Axial Flow. Cette CVT permet, entre autres, de varier le régime de rotation des rotors et offre beaucoup de couple pour en inverser le sens et ainsi les débourrer sans descendre de la cabine. Le rotor gauche est ensuite chargé d’entraîner son binôme. Sur sa partie avant, il emporte également le rouleau d'alimentation des rotors (DFR) positionné juste derrière le convoyeur, via un renvoi d’angle et des courroies. Les rotors et le rouleau d'alimentation sont ainsi synchronisés à chaque changement de vitesse de rotation. Selon New Holland, le DFR envoie un flux adapté de matière aux rotors. Le mouvement du convoyeur est récupéré à la sortie de la transmission de ces derniers, via une prise de force traversant la machine et dont le régime varie grâce à sa propre transmission à variation continue. En procédure de débourrage, l’intégralité des composants tourne à l’envers.
De cette cinématique résulte une machine finalement assez simple. Il n'existe que peu de pièces intermédiaires en rotation puisque la plupart sont en prise directe entre les organes, et le nombre de courroies chute considérablement. Quand on ouvre les capots, l’espace pour intervenir sur les éléments est confortable et, nous le verrons plus tard, certains organes, notamment hydrauliques, tombent sous la main. Dans le compartiment moteur, tous les points d’entretien sont accessibles. Nul besoin de monter pour souffler le filtre à air : celui-ci prend place derrière l'un des capots latéraux de la CR, et la prise d’air s’effectue entre la trémie et le moteur. Le bloc de refroidissement est intégré, lui aussi, dans cet espace moins exposé aux poussières. Le turbo (WasteGate) et les collecteurs d'échappement sont isolés et se voient encore mieux protégés de l’extérieur. Trois ventilateurs servent à refroidir le moteur de la CR11, tandis que deux suffisent à la CR10. Les différents blocs hydrauliques sont facilement accessibles depuis la plateforme puisqu’ils donnent directement sur la partie extérieure du moteur, et la majorité des raccords sont apparents.
À la sortie de la tête de récolte, le convoyeur à inclinaison hydraulique présente un canal de 1,70 m de large. Il récupère la matière puis l’envoie vers l’accélérateur de flux, d’un diamètre de 450 mm, qui le dirige ensuite à la bonne vitesse vers les rotors. New Holland explique conserver cette largeur de 1,70 m pour l’ensemble des organes du convoyeur, du caisson au rouleau d'alimentation des rotors, afin de ne pas perturber ou ralentir la circulation de la matière, tout en restant dans un gabarit routier. Une fois sortie du rouleau d'alimentation, la récolte est envoyée vers les deux rotors longitudinaux de 24 pouces de diamètre et de 3,70 m de long (les rotors de la CR 10.90 ont un diamètre de 22 pouces pour une longueur de 2,64 m). Sur la longueur, le contre-rotor offre une zone « battage » en trois parties et une zone « séparation » en six parties. Il s'agit donc de neuf éléments « légers », avec deux boulons à changer par rotor lors du passage, par exemple, d’une configuration blé à maïs. L’accès, très large, à ces contre-rotors et contre-séparateurs facilite cette opération. Les rotors sont excentrés par rapport aux couvercles de 10 cm, de manière à décompresser le flux. Cet espace réduit la pression globale sur les rotors et donc le besoin en puissance, selon la firme à l’épi de blé. La consommation de la moissonneuse s’en trouve, elle aussi, réduite.
Exit le caisson autonivelant, bonjour le caisson double Twin Clean
Qui dit tête de récolte plus large et vitesse d’avancement plus élevée, dit plus de grains à traiter dans le caisson de nettoyage. À la sortie, sous les rotors, les grains, menues-pailles et ôtons tombent sur un caisson entièrement repensé. Une table de préparation envoie le tout vers un premier bloc composé d’une grille supérieure et d’une grille inférieure avec une vis sans fin dédiée. Derrière, le grain restant sur les deux premières grilles passe au travers d’un second bloc, comprenant lui aussi une grille supérieure et une grille inférieure avec, à nouveau, une vis sans fin de récupération. Deux fois plus de grilles donc, ce qui lui vaut le nom de caisson double Twin Clean. Avec ce système, la CR11 obtient une surface de nettoyage de 8,8 m2, contre 6,5 m2 pour une CR 10.90. L’ensemble de ces éléments n’est entraîné que par une seule courroie. Deux vis regroupent le grain propre vers l’élévateur qui transfère la récolte dans la trémie.
Pour la compensation de dévers, New Holland n’utilise plus son ancien système, pris sur un axe central, qui corrigeait une pente jusqu’à 18 %. En effet, fini le caisson autonivelant bien connu. La répartition du grain sur les grilles est à présent assurée par deux vérins pilotés indépendamment et automatiquement par quatre capteurs de pression. Ceux-ci sont positionnés de chaque côté des deux grilles supérieures qui détectent les variations de charge d’un côté ou de l’autre. En fonction des besoins, un premier vérin sous la table de préparation va plus ou moins secouer cette dernière perpendiculairement afin de répartir les grains sur toute sa largeur, avant même l’arrivée du flux de récolte sur les grilles. Le second vérin, lui, va secouer latéralement les grilles supérieures via un système de tringlerie au niveau des pivots pour achever l'homogénéisation de la répartition. Avec ce dispositif, New Holland promet une compensation de dévers jusqu’à 28 %. Pour des réglages plus fins de ce système automatique, le capteur de « perte aux grilles » est en deux parties (gauche et droite sur la largeur). Ainsi, la machine peut déterminer de quel côté des grilles les pertes sont les plus importantes pour affiner encore la correction du dévers.
Le grain propre est ensuite envoyé dans la trémie, d’une capacité de 20 000 L sur la CR11 et de 16 000 L sur la CR10. À la vidange, un débit de 210 L/s permet tout de même d'évacuer ces grands volumes en moins de deux minutes. L’entraînement des vis sans fin de la trémie est assuré par des courroies. Cette solution apporte, selon la firme, plus de résistance qu’une cinématique par chaîne et pignons. Lors de notre essai, la remorque était plus petite que la trémie. Pour éviter de trop la remplir, New Holland propose deux vitesses de vidange. En effet, les deux vis sans fin qui alimentent la goulotte sont débrayables indépendamment afin de vider la trémie moins vite et de compléter les remorques avec précision. Cette caractéristique s’est montrée bien pratique pour remplir la benne de 16 t mise à disposition ce jour-là.
Gestion de la paille par le haut et éparpilleur XXL
À la sortie des rotors, la paille est soit mise en andain, soit broyée. La commande de la porte la guidant vers le broyeur ou la sortie se situe en cabine. Lorsqu’elle est broyée, la paille passe au-dessus du broyeur à vitesse variable, lequel tourne dans le sens horaire afin de ne pas prendre le flux à contresens. Les contre-couteaux sont situés entre ce broyeur et la tôle supérieure, et leur réglage est assuré, lui aussi, depuis la cabine. Pour la gestion des menues-pailles, fini l’éparpilleur dédié. Celui qu'intègre le broyeur à sa sortie se voit rehaussé et rapproché des grilles afin d’en récupérer aussi les pailles. Il fonctionne même lors de la mise en andain de ces dernières. Cet éparpilleur dispose d’un réglage automatique grâce à un capteur radar 2D de chaque côté de la machine mesurant la quantité de matière épandue sur la largeur souhaitée (pouvant atteindre jusqu’à 18 m). Il adapte ensuite la vitesse des hélices gauche ou droite entraînées hydrauliquement et indépendamment, en fonction des besoins, pour conserver un étalage homogène de la paille.
À bord de cette machine entièrement automatisée, l'environnement semble tout de même familier. Le chauffeur retrouve le système de conduite des CR. L’accoudoir réunit les commandes, le joystick et le nouvel écran IntelliView 12. La prise en main de ces CR de dernière génération est d’autant plus rapide que les automatismes y sont nombreux, à l'instar des réglages de la vitesse d’avancement ou des organes de battage, de séparation et de nettoyage. Une fois la consigne de stratégie choisie par le chauffeur et les automatismes enclenchés, la machine se règle seule grâce à un algorithme qui analyse le grain, via une caméra dans l’élévateur, et le taux de pertes enregistré. Lors de notre démonstration, le grain de l’orge récolté est arrivé propre et non cassé dans la trémie, avec un niveau de perte proche de zéro sous l’andain. Cette facilité de prise en main, associée à l’autoguidage plus que nécessaire, permet au chauffeur de se concentrer entièrement sur sa barre de coupe qui, en raison de sa grande largeur, nécessite sa surveillance. Afin d'offrir à bord une visibilité intégrale sur l'environnement extérieur, le constructeur propose un affichage à 360° de la machine sur l’écran. Enfin, il installe un essieu arrière à double pivot, à la fois pour faciliter les manœuvres de cette CR imposante et pour en protéger le châssis lorsque les roues, braquées au maximum, passent sur une bosse.